Ni documentaire, ni fiction, The last family retrace l’histoire d’une famille polonaise sur une trentaine d’années (de 1977 à 2005) à travers le regard du peintre surréaliste Zdzislaw Beksinski. En effet, le réalisateur s’est appuyé sur des enregistrements sur cassettes audio, puis des images tournées en VHS par le peintre lui-même tout au long de sa vie. L’essentiel du film consiste donc en des prises de vues reconstituées à partir de ces archives. Le peintre est interprété par Andrezej Seweryn, (prix d’interprétation en 1987 à Berlin pour Le chef d’orchestre d’Andrezej Wajda) sa femme Zofia par Aleksandra Konieeczna, célèbre pour ses rôles au théâtre, et son fils Tomasz par Dawid Ogrodnik, acteur déjà multiprimé. Le récit montre une atmosphère mortifère, une famille dont tous les éléments finiront par disparaître comme si le réalisateur avait fait sien cet adage : la vie n’existe que parce qu’il y a la mort. Le peintre semble uniquement préoccupé de sa peinture, tous les autres sujets ne l’atteignant pas, sauf à être considérés comme des images à capter. Tomasz, le fils, célèbre animateur radio, ne pense qu’à réussir son suicide ou à se disputer avec son père. Cette distanciation entre le sujet et la vie crée une atmosphère étrange propice à la réflexion existentielle. Les personnages semblent hors temps et d’ailleurs une des choses étonnante est le peu de place que prend l’Histoire dans ce récit. Pourtant on connaît les événements qui ont conduit au passage de la Pologne du communisme au libéralisme et l’œil attentif ne manquera pas de déceler l’amélioration du confort dans l’appartement du peintre. Cette absence d’ancrage historique renforce encore l’aspect centro-centré des préoccupations familiales.  Mais ne retrouve-t-on pas ici finalement l’écho d’une métaphore parfaite de la société polonaise, nombriliste et dépressive ? Les peintures de Beksinski accrochées partout sur les murs des appartements du père et du fils, donnent au spectateur l’impression d’être immergé dans la création du peintre mais sans la comprendre vraiment, tout comme les images du film laissent au spectateur le soin d’interpréter comme il l’entend la vie de cette famille, mise à nu par cette incroyable quantité d’archives dont a disposé le cinéaste. L’art questionne plus souvent qu’il n’apporte de réponses. Cela est vrai pour toutes les pratiques artistiques, en peinture comme au cinéma.

Un premier film captivant, une vraie réussite.

L.S.