Décidément, François Ozon est épatant. Ne s’accrochant ni à un genre ni à des thématiques récurrentes, il trace son chemin à mille lieues d’un certain cinéma d’auteur nombriliste plus ou moins subtilement autofictionnel. Hormis la maîtrise technique, quoi de plus dissemblables en effet que des films comme Potiche, Une nouvelle amie et Frantz ? Après la comédie, après le sujet de société, après le drame romantico-historique, voilà que notre François s’aventure dans les allées du thriller psychologique, laissant libre cours à une énième partie de lui-même. Retrouvant Marine Vacth qu’il révéla en lui offrant le rôle principal de Jeune et jolie, dans un film où il refusait délibérément tout psychologisme, il la dirige cette fois-ci dans sa quête pour mettre à jour et expulser le refoulé qui l’entrave. Gourmand, ambitieux, il s’empare alors de l’incontournable sujet du double et l’élève au carré, mettant en scène deux paires de jumeaux. Admirablement bien construit, L’amant double s’ouvre sur une trop classique relation amoureuse entre une apparente névrosée ordinaire (Marine Vacth) et son thérapeute (Jérémie Renier), que le réalisateur diffracte bientôt, pour développer en parallèle son pendant pervers. Ne commettant aucune enflure de style dans les trois quarts du film, se contentant de clins d’œil discrets aux figures imposées du genre (on félicitera la déco qui a réussi à dénicher l’inévitable escalier en spirale de l’appartement du thérapeute, ici particulièrement vertigineux), il garde ses meilleures cartouches pour le crescendo final qui fait définitivement basculer le faux mélo dans le vrai film d’horreur fantastique. Multipliant effets spéciaux et jeux de miroir, il enchaîne alors les scènes avec une maestria impressionnante sur le double plan de la composition et de la montée en tension. Pour ne rien gâcher, l’excellent cinéaste peut compter sur d’excellents acteurs. Pour faire évoluer leur personnage sympathique vers son double maléfique, Jérémie Renier et Marine Vacth échappent à la caricature en faisant essentiellement passer leur métamorphose par une modulation subtile de l’intensité de leur regard.

Florine Lebris