Une fusillade, deux morts, deux témoins et deux versions des faits. A coups d’interrogatoires et de confrontations, la jeune suisse-coréenne aguerrie major Sophie Jean remonte le fil tissé de ce drame en symétrie. Que s’est-il passé cette nuit là, dans la Zone Commune de Sécurité qui sépare la Corée du Nord de sa rivale du Sud ?

C’est autour du tristement nommé “Pont de non-retour” (comprendre qu’une fois le pont franchi entre les deux états en guerre, il est impossible de revenir) que deux baraquements se font face. Dans ce modeste habitat les soldats de chaque camp se relaient pour les surveillances de nuit. Un soir le pont est franchi par un soldat qui parvient à en revenir, vivant et joyeux. Alors la situation dégénère. Les “coupables” sont des jeunes gens, qui ressemblent plus à des ados qu’à des militaires, perdus dans l’absurdité du conflit qui les régit. Dans une atmosphère alourdie par l’imminente violence et la menace permanente, Park Chan Wook dédramatise par des dialogues frivoles, et des scènes presque apaisées, où les soldats se promènent de nuit dans le silence des herbes hautes qui, l’espace d’un instant, balayent les frontières meurtrières.

Le film s’apparente plus à un thriller politique qu’à une enquête policière, celle-ci servant plutôt à faire le lien entre l’incident passé et l’embarras du présent. Les recherches du major Sophie Jean sont presque secondaires pour le spectateur, qui trouve ses réponses dans les flash-backs sur lesquels le film est construit.

Bien qu’il vise ouvertement l’état du Nord, Joint Security Area n’a rien d’un film de propagande, tant il s’étend sur les qualités humaines des soldats des deux camps plus que sur leurs idéaux politiques. Ainsi on découvre quatre hommes avec les mêmes rêves pacifiques. Mais si les hiérarchies s’en mêlent, c’est le aussi le même reflexe qu’ils adoptent : tirer le premier pour avoir la vie sauve.

Magnifique histoire d’amitié impossible au milieu d’un interminable conflit : Joint Security Area est un film humaniste, dont la ressortie aujourd’hui sur nos écrans français résonne toujours tristement avec l’actualité de son sujet.  

S.D.