Un jeune chauffeur malien (Ibrahim Koma), à la suite d’une désillusion professionnelle, se laisse tenter par le trafic de cocaïne. Rapidement, il gravit les échelons à l’intérieur du réseau de dealers. Pour garantir à sa sœur (Inna Modja) un niveau de vie qui l’éloigne durablement de la misère, il se retrouve contraint à accepter des affaires de plus en plus dangereuses.

   Très subtilement, Daouda Coulibaly utilise le thriller pour évoquer de façon digeste les arcanes géostratégiques ayant présidé à la crise malienne de 2012. Alors qu’on associe majoritairement celle-ci à l’expansion de l’influence de l’extrémisme islamiste en Afrique du Nord, le réalisateur franco-malien braque le projecteur sur le nerf de la guerre, le trafic de cocaïne, dont les revenus colossaux créent une corruption généralisée et financent les groupes terroristes. En décrivant l’ascension fulgurante d’un citoyen ordinaire dans les réseaux de pouvoir, il permet au spectateur de se déniaiser en même temps que le protagoniste. Au fil des étapes du parcours du jeune chauffeur, nous découvrons ainsi les différents maillons de la chaîne du trafic : de l’espoir de sortir de la misère qu’il prodigue aux populations les plus pauvres jusqu’aux divisions qu’il provoque au sein de l’Armée nationale. A travers la trajectoire morale de son anti-héros, qui se déshumanise à mesure qu’il a davantage à gagner ou à perdre, Daouda Coulibaly révèle la puissance corruptrice de l’argent, capable de transformer d’honnêtes citoyens en instruments cyniques de la loi de la jungle mafieuse. A travers le parcours de la sœur, il décrit également l’attraction que produit la « classe de loisir » et sa consommation ostentatoire sur les catégories inférieures qui n’ont d’autre désir que de les imiter, oubliant dès qu’ils l’intègrent les valeurs de leur milieu d’origine. A l’arrivée, après avoir traversé avec les personnages principaux les milieux les plus pauvres, ceux des Nouveaux Riches et de l’administration politique, Daouda Coulibaly nous dote d’une vision synoptique de la société malienne qui nous permet d’appréhender la crise traversée par le pays dans toute sa complexité.

F.L.