Mavie (Lolita Chammah), jeune fille surannée fraîchement installée à Paris, devient l’assistante de Georges (Jean Sorel), libraire misanthrope à la culture encyclopédique et au passé mystérieux. Le lien profond qui se noue entre ces deux drôles d’oiseaux éclaire leur solitude.

Tournant volontairement le dos à la représentation au cinéma des choses telles qu’elles sont dans la vie, Elise Girard nous plonge dans un Paris parallèle et décalé où les goélands meurent en plein vol et où les militants anti-nucléaires courent les rues. A l’intérieur de cet univers où le romanesque est d’emblée roi, l’on n’est point choqué d’entendre les personnages s’exprimer comme des livres, devisant littérature, politique et sens de la vie. Si le jeu rêche, dénué de coquetterie, de Lolita Chammah vaut à lui seul son pesant de d’or, la partition la plus délicieuse reste celle de Jean Sorel, vieil érudit que la vie a désillusionné, aux répliques iconoclastes et jouissives.

« Il suffirait de presque rien, pourtant personne, tu le sais bien, ne repasse par sa jeunesse… » En bande-son de l’histoire d’amour se défiant du fossé générationnel que fait éclore sous nos yeux Elise Girard, la célèbre chanson de Reggiani ne déparierait pas. En effet, le second long-métrage de la réalisatrice de Belleville Tokyo est empreint de la mélancolie de ceux qui regrettent d’être né trop tôt ou trop tard pour vieillir avec la personne qu’ils aiment. Cette douleur amoureuse se double, pour la jeune fille qui hérite du monde que le premier a échoué à transformer, d’une nostalgie pour une époque révolue où la vie culturelle et politique était plus exaltante, où les débats d’idées faisaient vibrer Saint-Germain-des-Prés et où les utopies n’étaient pas reléguées dans les poubelles d’une Histoire prétendument achevée. À travers ses dialogues très littéraires, sa voix off friande de calembours, ses ouvertures en œil et sa liberté narrative, Elise Girard, pour qui rien n’a été produit de neuf après l’insurpassable Mépris, nous livre un film joliment anachronique, petit bout de Nouvelle Vague égaré au XXIème siècle.

Florine Lebris

Retrouvez l'interview de la réalisatrice Élise Girad, la réalisatrice de Drôles d'Oiseaux : https://soundcloud.com/user-863459722/interview-elise-girard-pour-drole-doiseau