Dune est critiqué à la fois par les fans du roman de Frank Herbert et les aficionados de David Lynch. Descendu également par une certaine presse dite intellectuelle, le film peut néanmoins compter sur une petite communauté de fans dont je fais partie. Il faut dire que Lynch n’y a pas mis du sien, en reniant en partie sa propre réalisation. Une désaffection du cinéaste qui est sans doute due à l’épreuve que représenta pour lui ce long-métrage. Il aura en effet travaillé plus de trois ans sur ce projet qui lui échappera in fine sur la table de montage. Habitué à de petites productions, il se retrouve ici à tourner un blockbuster. Le problème c’est qu’il est bien seul pour mener un tel projet surtout lorsque vous devez tourner au Mexique, qui est loin de rivaliser avec les USA en matière de studios. Rajoutez à cela une figuration qui n’en a strictement rien à faire de jouer dans un film américain, et des effets spéciaux sous-traités à des boîtes pas forcément au niveau, et vous avez une idée des difficultés rencontrées par le jeune cinéaste. Quant à son producteu,r plutôt absent durant la fabrication, il se rappellera à lui en demandant de multiples coupes sur son montage de 3 heures.  La version sortie en salle d’une durée de 2h10 est un montage sacrifié. Une expérience qui poussera le réalisateur à obtenir le final cut sur tous ses autres films.

Si j’aime tout particulièrement le film, c’est avant tout pour son ambiance unique. Lynch nous offre ici comme à son habitude des scènes qui ressemblent à un cauchemar.  On se souvient évidemment du repoussant Baron Harkonnen qui arrache les valves de ses esclaves. Mais d’autres séquences ont imprimé l’inconscient du spectateur comme lorsque Paul chevauche un ver de sable ou bien quand l'empereur fait face au navigateur de la Guilde dans sa cuve de gaz orangé. Quant aux décors, ils imposent et mêlent avec beaucoup de goût l’esthétique cyberpunk et l’architecture romaine. Grâce au cursus de plasticien de Lynch, la direction artistique n’a pas pris une ride malgré les effets spéciaux pas toujours bien finalisés. Surtout, n’écoutez pas la critique française ! Dune est bel et bien un long-métrage de Lynch. Comme dans la plupart de ses films, le rêve est au coeur du récit avec un Paul qui ne cesse de répéter : « le dormeur doit se réveiller ». Rajoutez à cela un casting 3 étoiles et une bande-son extraordinaire signée TOTO sur laquelle j’étais déjà revenu (lien), et vous obtenez l'un de mes long-métrages préférés

On pourra reprocher au film certains raccourcis scénaristiques. Mais résumer un chef-d’œuvre tel que Dune en un film semblait impossible. Herbert s’avéra plutôt satisfait de cette version même s'il indiquait que le montage de 3 heures de Lynch était bien plus riche  : "Selon moi, les gens en voulaient plus. Ce qu'ils ont vu était fidèle à mon livre même si une grande partie est restée dans la salle de montage". Le film ne réussit pas tout, mais reste l’une des oeuvres les plus singulières et fascinantes de la science-fiction au cinéma. Un long-métrage à voir et revoir comme je le fais plusieurs fois par décennie ! Attention, il existe un montage de 3 heures du film qui a été distribué en DVD. N’attendez pas la version de Lynch refusée par son producteur. Ce montage est avant tout une version bricolée pour la télévision américaine avec moins de violence et qui a été rejeté par Lynch qui a demandé à ne pas en être crédité.

Mad Will