Des bobines et des hommes ne se déroule pas dans la cabine d’un projectionniste, malgré ce que ce titre évoque pour le cinéphile ! Les bobines dont il y est question sont de laine, et les hommes qui leur sont associés sont ouvriers tricoteurs pour quelque temps encore. En effet, si la réalisatrice Charlotte Pouch est venue les filmer, c’est que leurs emplois sont menacés, non par l’émergence du numérique, mais par une mystérieuse récente « mauvaise gestion » de leur entreprise. Pourtant, Bel Maille, c’est son nom, vieille de soixante ans avait jusqu’alors toujours su s’adapter, jusqu’à traverser la crise de 2008 sans encombre. Loin d’être la Michael Moore française, la documentariste ne mène pas l’enquête de façon intrusive, mais se fond plutôt dans le décor. Grâce à cela, elle documente pour l’extérieur la drôle de pièce dont l’entreprise est le théâtre. L’un de ses personnages centraux, le PDG Stéphane Ziegler, ne cesse d’y répéter une seule et même réplique : « Ma priorité est d’assurer la pérennité du savoir-faire ‘’Bel Maille’’ dans son ancrage local », seul et unique masque derrière lequel il apparaît publiquement. A mesure que le temps passe néanmoins, la situation se détricote et révèle une scandaleuse spoliation. Parce qu’elle était là au bon moment, Charlotte Pouch prend alors sur le fait un patron voyou et fait de Des bobines et des hommes un document politiquement important.

Florine Lebris