Nous revenons pendant toute la durée du Festival de Cannes qui se tient cette année 2023 du 16 au 27 mai, sur des films qui ont été primés lors de précédentes éditions et que nous avions chroniqués lors de leur sortie en salles.
Aujourd’hui #3/12 : 3 visages, de Jafar Pahani, Prix du scénario 2018.

Pour voir 3 visages depuis votre canapé cliquez ici : Accès au film

La critique :

Du fin fond d’une grotte en Iran, la jeune Marziyeh livre son dernier témoignage en se filmant avec son téléphone portable : toute sa famille l’a trahie en lui interdisant d’entrer dans l’école de comédie à laquelle elle a pourtant été reçue. Elle s’adresse à Behnaz Jafari, célèbre actrice de la télévision, qu’elle accuse de n’avoir rien fait pour l’aider malgré tous ses appels au secours envoyés sur internet. Désespérée, elle se pend. Ainsi s’ouvre Trois Visages, le neuvième long-métrage du réalisateur iranien Jafar Panahi.

Lorsque l’enregistrement vidéo parvient aux mains de Behnaz Jafari, le film prend une tournure moins tragique et bascule vers un road movie à travers la montagne d’Iran. Behnaz, d’abord dévastée par le suicide de la jeune comédienne dont elle se tient pour responsable, émet l’hypothèse d’un coup monté. Accompagnée de Jafar Pahani, dans son propre rôle, elle décide de retrouver la trace de Marziyeh.

Au détour de multiples rencontres, parfois drôles, parfois moins, Jafar Pahani dépeint une fois de plus son Iran natal, délaissant la cité pour les montagnes profondes, s’intéressant à ses habitants et à leurs traditions. Ainsi, pas moyen de pénétrer une demeure sans se faire offrir un thé ou entendre une histoire.

Mais la tradition c’est aussi celle d’une société encore très conservatrice, régie par le patriarche. Ainsi le grand frère de Marziyeh, une brute épaisse, contrôle l’avenir de sa sœur sous les yeux impuissant de la mère. Partout le mâle domine, y compris  l’impressionnant taureau reproducteur capable « d’engrosser dix femelles en une heure », qui trône au milieu de la route après avoir fait une mauvaise chute.

Jafar Pahani lui-même, dans son personnage de réalisateur, incarne une certaine puissance par son détachement. Il n’est ici qu’un simple accompagnateur de Behnaz et se mêle rarement des histoires entre elle et Marziyeh. Il est vouvoyé, reste à l’écart et attend, formant ainsi avec Behnaz au volant de la voiture dans les routes sinueuses, un duo improbable mais touchant.

 A travers le personnage de Marziyeh, Jafar Pahani aborde la difficulté d’exercer les métiers du cinéma, dont il connait bien les strictes modalités dans son pays. Assigné à résidence, le réalisateur n’a pas pu se rendre à Cannes pour présenter son film sélectionné en compétition officielle ni pour récupérer son prix du scénario.

Ces vérités donnent un aspect presque documentaire au film,  le rendant grave, bien qu’il ne manque souvent pas de comique.

Suzanne Dureau

Pour voir 3 visages depuis votre canapé cliquez ici : Accès au film

La bande-annonce :