Après un tremblement de terre une mystérieuse brume envahit Paris et décime tous ceux qui la respirent. Mathieu (Romain Duris ) et Anna (Olga Kurylenko ) se réfugient au dernier étage d'un immeuble et tentent de s’échapper.

Film catastrophe dopé avec une pointe de fantastique et de science-fiction, Dans la Brume est un condensé de tension en 1h30. Une bande-annonce particulièrement bien faite annonçait la couleur en lorgnant clairement du côté d’un certain cinéma de genre américain avec une imagerie forte (la petite fille dans la bulle et la foule en panique happée par un brouillard meurtrier) et un scénario simple, au sens noble, mais efficace : survivre. Si le cinéma catastrophe américain a eu sa période de gloire dans les années 70 (La tour infernale , L’aventure de Poséidon), il a été remis à l’ordre du jour dans les années 2000 notamment avec l’ami Roland Emmerich (Le jour d’après , 2012) qui n’en finit plus de détruire la Terre. Une démarche appuyée par l’efficacité exponentielle des effets spéciaux qui permettent d’en montrer toujours plus, ce qui paradoxalement revient parfois à en dire moins, et c’est notamment sur ce point que se démarque Dans la Brume . Car si les films cités plus hauts s’inscrivent dans une tendance de destruction porn (par leur aspect démesuré et outrancier) où le plaisir coupable du spectateur est lié à la pulvérisation de bâtiments alors qu’il est tranquillement au chaud dans son canapé, le film de Daniel Roby renoue grâce au fantastique avec un certain cinéma qui laisse travailler l’imagination de son spectateur en montrant juste ce qu’il faut pour poser les bases et en laissant le reste au hors-champ (le mot est lâché).

Alors d’accord, le coup de la brume on l’a déjà vu chez Carpenter dans Fog  (1980). Mais on pense ici surtout à Stephen King car l’opacité du brouillard est un écrin parfait pour permettre au spectateur de projeter ses angoisses. Pourtant, même si l’élément n’est pas nouveau, le scénario se le réapproprie en nous permettant, pour une fois, d’arpenter ce qu’il y a dans cette brume. La bonne idée ici ce sont les décors en dur puisque des rues ont été reconstituées en studios et inondées de fumée, ce qui offre des séquences apocalyptiques nerveuses et un rendu visuellement très efficace qui immerge au maximum le spectateur. Bref : du concret, du matériel et du palpable et ça fait plaisir car cela se ressent à l’image. Lâché au milieu de la ville, Duris impeccable comme souvent ajoute une nouvelle corde à son arc de jeu et forme avec Olga Kurylenko (très convaincante aussi) un duo solide.

Côté scénario, aucun accroc. Jimmy Bemon, Mathieu Delozier et surtout Guillaume Lemans, producteur et scénariste du film (que l’on a déjà croisé sur l’écriture de La nuit a dévoré le monde et Burn out sortis un peu plus tôt dans l’année mais aussi sur les films de Cavayé (A bout portant , Mea Culpa) ont fait un super boulot. L’écriture passe ou casse, certains y verront un dépouillement total qui peine à convaincre sur la fin, d’autres une mécanique bien huilée qui, une fois l’enjeu principal posé, reconstitue habilement des enjeux à court terme à chaque nouvelle séquence. Appuyé par un montage rythmé, efficace et une très bonne mise en scène, notre cœur penche largement du côté d’une écriture bien agencée qui équilibre justement personnages et action. On a pu lire ici et là qu’il s’agissait d’un pur film de scénariste. Alors oui, l’écriture du récit est prégnante, mais la réalisation de Daniel Roby n’est pas en reste. Taxé à tort de « téléfilmesque » (si Roby filme Joséphine Ange Gardien comme ça alors je suis prêt à y jeter un œil), Dans la brume contient pourtant du pur cinéma et une mise en scène dynamique bien maîtrisée (la course poursuite en plan séquence avec le chien bien sûr) et pensée (la première conversation entre Romain Duris et sa fille qui annonce dans son contrechamp le plan final du film). En bref, elle soutient bien le récit et offre ses séquences spectaculaires quand il le faut ce qui contribue à faire de Dans la brume un excellent divertissement très bien mené à ne pas rater et à voir en salles.

Dans la brume est un film important puisqu’il est une nouvelle pierre à l’édifice du cinéma de genre français qui semble depuis quelque temps ne plus se faire complétement démolir par la critique. Je vous épargne l’état des lieux récurrent qu’il convient de faire à chaque fois qu’un film de genre français (attention on ne parle pas ici de comédie) trouve le chemin des exploitants mais si vous voulez en savoir plus sur le financement et la fabrication de ce type de film je vous conseille vivement l'excellent podcast très complet de Capture Mag avec Guillaume Lemans: http://www.capturemag.net/les-grandes-bouches/capture-mag-le-podcast-bonus-guillaume-lemans/. Pour l’heure le film a fait plus de 120 000 spectateurs en salles ce qui est encourageant mais pas encore suffisant (surtout pour un budget de 11 millions) pour marquer le coup et ouvrir complétement la porte à d’autres productions du même acabit. Dans tous les cas, n’hésitez pas une seule seconde, Dans la brume vaut incontestablement le détour.

T.K.