Troisième volet de la documentariste Marie Dumora sur Belinda, filmée lors de son premier long métrage à l’âge de 9 ans et que l’on retrouve ici à 23 ans, bien résolue à se marier avec son compagnon Thierry. Un portrait émouvant sur une jeune fille attachante qui appartient à un peuple à l’histoire méconnue (les Yéniches). Retrouvez la critique et l’interview de la réalisatrice ci-dessous.

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La critique :

La documentariste Marie Dumora avait déjà filmé la personne de Belinda dans deux de ses précédents longs-métrages : à 9 ans lorsqu'elle vivait dans un foyer d'enfants, et à 15 lorsque de retour chez ses parents elle aidait sa mère et sa sœur aînée à s 'occuper de leurs enfants. Cette fois-ci, elle la retrouve à 23 ans dans l'idée de construire avec elle un film d'amour sur son histoire avec le beau et tendre Thierry. Belinda est donc fortuitement, comme le dit sa réalisatrice, « une sorte de Boyhood, le film de Richard Linklater, mais version yéniche alsacien et ''pour de vrai'' ».

Grande admiratrice des films de Ford, de Newman et de Pasolini, Marie Dumora tente de combler le vide français en matière de représentation du peuple par un regard humaniste capable de montrer sa grandeur au-delà de sa misère. Elle nous attache à cette jeune femme dont la trajectoire de vie l’a fait passer du foyer au parloir en passant par la case prison, et dont les yeux brillaient de vivacité lorsqu'elle était enfant, mais dont le pétillement s'éteint à mesure que son destin social la rattrape. Grâce à elle, on découvre la réalité de cette frange de la population qu'on ne daigne habituellement pas aller voir dans sa fange (sauf peut-être pour la morigéner lorsqu'elle vote mal), sa précarité mais aussi la relative efficience des dispositifs sociaux qui la soutiennent.

On découvre également en filigrane l'Histoire méconnue, injustement passée sous silence, des Yéniches, ces « communautés rurales, paysannes européennes, allemandes, suisses, autrichiennes qui ont subi de plein fouet le choc de l'industrialisation au XIXème siècle, ont été contraintes de prendre la route et se ressouder autour d'un mode de vie nomade », et ont subi les mêmes persécutions que toutes les autres populations marginales lors de l'occupation nazie.

Au-delà du contexte socio-historique, la réalisatrice a eu à cœur de composer un portrait dans lequel tout le monde peut se projeter. Or, avec les enterrements, les mariages ont toujours été l'événement exceptionnel pour lequel les hommes sont prêts à dépenser sans compter afin d'offrir le meilleur aux êtres qui leur sont chers. Dans le zèle que Belinda apporte à préparer un beau mariage, chacun peut en effet reconnaître cette étape-clé dans nos vies ou celles de ceux qui nous entourent, grâce à laquelle, au-delà des confessions particulières, nous nous réunissons pour célébrer notre joie de faire partie de la communauté humaine.

Au final, quel que soit l'angle par lequel on l'envisage, Belinda ne peut laisser indifférent. En effet, malgré l'absence de carambolages automobiles ou de règlements de comptes armés, le film percute par la violence du déterminisme social qu'il dévoile. L'inconfort qu'il crée chez le spectateur fait de lui un outil politique dans la ligne du pavé d'entretiens que Bourdieu a consigné dans La Misère du monde, en ce sens qu'il doit susciter une colère susceptible de se transformer en « raison d'agir ».

Florine Lebris

Ce film est actuellement disponible sur UniversCiné à l'adresse : https://www.universcine.com/films/belinda

La bande-annonce :

 

L'interview de la réalisatrice :

 

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