Après une semaine passée au Max Linder dans une ambiance familiale et réconfortante, après avoir bravé le vent glacial des boulevards et enchaîné pieusement nos 5 films par jour, après avoir glissé d’un univers à l’autre, transportés entre secte, taudis, labyrinthe, villa, ruelles londoniennes, croisant tour à tour des assassins, des tueurs implacables, des meurtriers en devenir, des enfants perdus et même Dieu, nous voici de retour de cette 7e édition du PIFFF. L’heure de faire le point sur cette excellente et cathartique programmation 2017.

 

Compétition :

 

Dave made a maze

 

Un artiste au chômage décide de créer dans son appartement un labyrinthe en carton à taille quasi humaine. Alors qu’il termine la structure, celle-ci prend vie et piège son créateur à l’intérieur...

Dire que le cinéma a besoin de peu de moyens pour exister est un truisme éhonté et pourtant ce genre de sentence se rappelle parfois joyeusement à nous. C’’est le cas avec Dave made a maze, film a priori fauché mais construit sur une idée de mise en scène et de décors suffisamment brillante pour nous faire oublier un budget modeste. Le réalisateur Bill Watterson dans ce premier film pousse la logique de la débrouille jusqu’au bout en faisant des effets spéciaux en carton (au sens propre donc) et en érigeant des boites en cadre principal du film. Mais ne nous y trompons pas, malgré la candeur du décor c’est bel est bien la mort qui attend la fine équipe de secouriste. Lorsque tout ce petit monde se retrouve à l'intérieur, ils découvrent vite que les pièges en papier sont terriblement mortels et qu'une créature mythologique habituée des dédales n'a pas l'intention de les laisser sortir. Si le scénario s’essouffle assez vite, cela n’enlève rien à la mise en scène inspirée qui nous aspire entre horreur et comédie au sein du labyrinthe à la rescousse de ce bon vieux Dave.

Un vrai plaisir.

The Endless

 

Notre chouchou de la sélection. Là encore film au budget assez limité sur lequel les réalisateurs sont aussi acteurs, chefs op, monteur et superviseur sur les effets spéciaux. Ils nous offrent une mise en scène terriblement immersive pour raconter l’histoire de ces deux frères de retour dans une communauté aux allures sectaires qu’ils avaient quittée avec fracas des années plus tôt.

Justin Benson et Aaron Moorhead déjà repérés avec Résolution et l’excellent Spring (le public du PIFFF ne s’y était pas trompé en leur décernant lors de l’édition 2014 l’œil d’or) reviennent avec un récit parfaitement mené qui réinvente un thème classique du fantastique. La grande réussite du film c’est surtout l’ambiance et la vie du clan, plutôt assez éloignée des clichés que l’on peut attendre de fanatiques sectaires. On s’y verrait presque autour du feu de camp à boire des bières et discuter magie. D'ailleurs sur le papier le programme peut séduire : retour à une vie plus simple débarrassée du superflu, prendre le temps de trouver ce que l’on aime, développer ses envies… Bien sûr le duo de réalisateur dévoile peu à peu l’envers du décor. D’abord cette présence menaçante qui semble roder aux alentours, ensuite ces deux lunes qui apparaissent dans le ciel simultanément, les réactions étranges des oiseaux, ce sentiment de répétition et cette angoissante sérénité affichée par les membres. Refusant une caractérisation grossière et à mesure que l’on comprend le terrible choix auquel a consenti le groupe, on ne peut que mesurer pleinement le prix à payer pour la tranquillité de l’âme. Avec une réalisation très intéressante dans sa représentation de la menace et principalement axée sur l’atmosphère et la communauté, le film construit images après images une structure solide doublée d’une réflexion bien sentie sur le choix et donc sur la notion de liberté.

Ajin

 

Mis en boite par Katsuyuki Motohiro et adapté du manga Ajin de Gamon Sakurai, Ajin nous a offert presque 2h de fun et de pur divertissement.

Le pitch : les Ajin sont des humains aux capacités régénératrices hors du commun. Dès qu’ils sont tués, leur corps se reconstitue complétement et les ramène à la vie. Potentiellement immortels, le gouvernement a fait de ces quelques semi-humains des cobayes parfaits pour des expériences sordides sur les limites du corps humain. Échappés d’un laboratoire du gouvernement, deux Ajin sont bien décidés à se venger.

Rythmé et sans temps morts, le film enchaine des séquences d’actions impressionnantes et bien découpées (voir l’ouverture et l’assaut des Ajin) beaucoup plus efficaces et lisibles que beaucoup de films de genre hollywoodien. Si la trame classique nous emmène vers des sentiers assez rebattus, la réalisation nous scotche au siège et livre de très beaux moments d’actions.

 

68 Kill

 

Comédie formatée mais très efficace réalisée par Trent Haaga qui signe ici son 2e film, 68 Kill marche surtout pour ses personnages et ses situations bien écrites. Avant tout scénariste de films puis de jeu vidéo (Evil Within 2), Haaga livre un récit bien maitrisé et cathartique mais qui souffre d’un message un poil ambigu qui vient ternir la patine fun et divertissante du produit : un truc comme « seule la violence permet de s’imposer ». Bien calibré pour le marché, on passe quand même un excellent moment avec ses personnages de blancs pauvres et désœuvrés assez rares au cinéma et suffisamment bien écrits pour éviter l’écueil du misérabilisme.

 

Tigers are not affraid

 

Œil d’or 2017, ce long métrage est une fable qui met en scène un groupe de gamins qui tente d’échapper aux tueurs d’un cartel. À l’aide du fantastique, Issa Lopez aborde en filigrane le problème du trafic de drogue qui gangrène le Mexique et ses assassins prêt à tout pour arriver à leurs fins.

Pour être tout à fait honnête, le film nous a complètement glissé dessus. Pourtant très enchantés par le parti pris de la fable nous sommes restés sur notre faim. La lourdeur du scénario et ses quelques incohérences ont pris le dessus sur une bonne réalisation et un casting très convaincant. Difficile de se laisser emporter par le film quand le message déborde de chaque plan.

 

Golem, le tueur de Londres

 

À Londres dans le quartier de Limehouse, des meurtres terribles se perpétuent et la police semble dans une impasse. La cruauté de l’assassin fait ressurgir la légende du Golem, une créature sans pitié qui hanterait les rues. Si l’ambiance et les décors font leur petit effet, ce deuxième long métrage de Juan Carlos Medina après Insensibles, ne convainc pas totalement. La structure narrative déjà vue laisse peu de place au doute quant aux déroulements des événements et ce jusqu’à la révélation finale. Malgré un récit finalement assez convenu et sans surprise, on peut se laisser prendre au jeu de l’enquête et des personnages. Ce film de procès, adaptation d’un roman de Peter Ackroyd intéresse surtout pour l’hommage au théâtre et à ses artistes.

 

Sicilian Ghost Story

 

Variation aux frontières du fantastique du mythe de Roméo et Juliette sur le mode fantomatique, le film est une excellente surprise portée par une mise en scène précise et l’excellente interprétation de ces jeunes acteurs. Utilisant la fable à la manière d’un Mundruczó pour nous parler d’une terrible réalité, le film souffre néanmoins de quelques longueurs qui nuisent à son efficacité. Néanmoins, à la manière de ces cauchemars qui semblent ne jamais vouloir nous quitter à notre réveil, les images du film continuent à nous hanter après sa vision.

 

Tragedy Girls

 

Scream à la mode « réseaux sociaux », le film est un excellent exercice de style sur le quart d’heure de célébrité warholien. Si le long-métrage conserve un scénario assez typique de ce genre de métrage, sa dimension satyrique avec ces hashtags qui se confondent avec les coups de couteau est très travaillée. Les personnages principaux sont finement écrits et la petite ville américaine est astucieusement croquée. Une comédie horrifique réussie qui décrit de façon absurde la banalisation de la violence ! À voir !

Revenge

 

Réalisé par Coralie Fargeat, Revenge est à ne pas rater à sa sortie. Rape and revenge sanglant et abrasif le film brille pour sa mise en scène virtuose et impeccable à l’image clipesque. Perdue dans une villa au cœur d’un désert, Jen (impressionnante Matilda Anna Ingrid Lutz) doit lutter pour sa survie. Avec un parti pris réflexif qui fait largement écho à la terrible actualité qui frappe le milieu du cinéma, le film est avant tout, selon sa réalisatrice, un film contre les clichés. Parfaitement maitrisé et assez beau visuellement, Revenge envoie du lourd.

Matar a dios

 

Notre 2e coup de cœur de la semaine est réalisé par le duo Caye Casas et Albert Pintó qui nous offre une comédie horrifique très mordante et diablement efficace. Au cours d’un repas de Noël en famille, un clochard s’introduit dans la maison et commence à menacer ses habitants. Il prétend être Dieu…

Le film grâce à une direction d’acteur exemplaire et une écriture incisive plonge le spectateur dans le doute le plus total et tient en haleine jusqu’au dénouement. Alternant les dialogues mordants, les passages gores et une fin bouleversante le film mélange plusieurs registres tout en gardant une identité forte. Un huis clos très efficace qui prouve une fois encore le talent des productions ibériques.

 

Hors compétition :

 

Leatherface

 

Attendu comme le messie, cette préquelle nous a plutôt déçus. La faute à un scénario en carton, beaucoup trop psychologisant et incapable de dégager clairement des enjeux et des personnages. Reste une réalisation percutante et de belles séquences visuelles. Il faut également noter que lors de la projection au PIFFF, les deux réalisateurs ont put diffuser les scènes d’ouverture et de fin qu’ils avaient initialement tournées et montées avant de se faire couper au montage. Beaucoup plus subtiles, elles auraient largement atténué ce sentiment diffus d’être face à un scénario de téléfilm. Les séquences en question, reshootées par Millenium Films, alourdissent gravement l’ensemble et façonnent une structure conformiste édifiée pour ne surtout pas perdre le fan. Le film pourrait finir par ressembler à n’importe quel produit de genre emballé par un réal lambda si le talent du duo n’offrait pas de belles idées de mise en scène.

 

Takashi Miike

 

 

Deux films de Miike étaient présents cette année au PIFFF et nous ont laissé le même sentiment de plaisir. D’abord Immortal blade, adaptation en live du manga l’Habitant de l’infini de Hiroaki Samura et présenté hors compétition à Cannes cette année. Très énergique le film offre de superbes séquences de combat et une ambiance de samouraï réussie. Ensuite Jojo’s bizarre adventure qui là aussi grâce à une réalisation impeccable et des effets spéciaux impressionnants nous offre des bons moments de fun et de plaisir.

Grand technicien, Takashi Miike hisse ces supers productions bien au-dessus de la moyenne et rivalise aisément avec les blockbusters du pays de l'Oncle Sam.