A l’occasion de la sortie de 120 battements par minute , nous souhaitions revenir sur 3 films qui traitent du VIH à l’époque des faits contés dans le film de Robin Campillo. 3 œuvres fortes, 3 regards sur la maladie qui nous tiennent particulièrement à cœur !

Jeanne et le garçon formidable

Le résumé :

Jeanne papillonne de garçon en garçon, dans l'attente du grand amour. Un jour, elle s'assied dans le métro en face d'Olivier, et c'est le coup de foudre réciproque. Après quelque temps, il lui révèle sa séropositivité.

La critique :

Amoureux de l’univers des comédies musicales, je me devais à l’occasion de la sortie de 120 battements par minute de revenir sur ce film signé Olivier Ducastel et Jacques Martineau qui évoquait déjà en 1997 le SIDA et le combat d’Act Up.

La première chose qui interpelle dans Jeanne et le garçon formidable, c’est sa capacité à retrouver dès les premières minutes de film la force dramatique et l‘enchantement du plus grand réalisateur français (pour ma part bien entendu) : le bien nommé Jacques Demy, emporté par le VIH en 1990.

On retrouve son influence dans le film à travers ces élégants travelings aperçus dans Les demoiselles de Rochefort, mais aussi le travail subtil sur les arrière-plans conçus comme des fenêtres sur le monde où se déroule sans cesse une existence supplémentaire à celle des personnages. Les allusions fugaces au régiment, la légèreté dans les amours de Jeanne jouée par Virginie Ledoyen, appartiennent également au monde du cinéaste de Lola et des Parapluies. Mais surtout, Olivier Ducastel et Jacques Martineau savent que derrière le chant et autres entrechats, les films du grand Jacques évoquaient avant tout les dures réalités sociales d’une époque avec ses filles mères ou ses ouvriers tués par la police.

Jeanne et le Garçon formidable est à ce titre un témoignage des années SIDA, à travers l’histoire d’amour entre Jeanne et Mathieu, jeune séropositif incarné par Mathieu Demy (fils de Jacques). Le film fait preuve d’un tact et d’une délicatesse sans égal, ne tombant jamais dans le pathos, nous rappelant à chaque instant l’importance de la vie.  Sans oublier pour autant les travers de notre société, comme cette chanson sur la consommation ou cette valse des balayeurs sans papiers. Si le film est parfois violent dans ses propos, il est avant tout salutaire, nous rappelant l’homophobie ambiante, comme lorsque Jacques Bonnaffé chante « Quand un PD crève. Tout le monde s’en fout ». Les chansons dans ce métrage sont un révélateur de l’âme, elles sont la seule manière pour les personnages d’exprimer leurs sentiments, sans artifices ni mensonges.

Si Virginie Ledoyen est lumineuse dans tous les plans, Mathieu Demy n’est pas en reste avec un jeu tout en subtilité et jamais larmoyant. Quant à Jacques Bonnaffé, il trouve le rôle de sa vie en interprétant un militant d’Act Up toujours en lutte. Chaque personnage du film, qu’il soit un premier rôle ou une silhouette dans un plan, sert la narration, faisant de Jeanne et le garçon formidable une œuvre riche que l’on se plaît à voir et revoir.

L’ombre de Demy sur le film n’est jamais écrasante. Si les numéros du cinéaste nantais étaient absolument parfaits grâce à la musique savante de Michel Legrand et une mise en scène extrêmement riche, le film d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau possède pour sa part un aspect plus simple, presque artisanal, qui lui donne sa propre identité, permettant une identification plus facile pour les réfractaires aux comédies musicales.

À l’occasion de la sortie de 120 battements par Minute, il me semblait indispensable de vous inviter à revoir ce film aussi formidable !

Mad Will

Le film est distribué par Studio Canal en VOD et DVD.

Les amis de Peter

Le résumé :

Le soir du nouvel an 1982, Peter et ses amis tentent d'animer un dîner pour le moins formel où des invités très élégants ne s'amusent pas du tout. Dix ans plus tard, Peter hérite du domaine familial et se trouve désemparé par la mort de son père. Désireux de retrouver la chaleur et la fraternité qu'il connut avec ses amis, il décide de convier pour le réveillon du nouvel an ses anciens camarades d'université.

La critique :

Choisir de défendre un film du réalisateur mal aimé Kenneth Branagh, c’est comme déclarer sa flamme pour la discographie de Céline Dion ou souligner le talent de paroliers des musclés lors d’une soirée tofu / quinoa des Inrockuptibles. Il est en effet de bon ton de ne pas aimer le réalisateur en raison d’une filmographie jugée académique à travers ses adaptations de Shakeaspeare. Ce serait regrettable tant certaines de ses premières réalisations étaient plutôt réussies, du moins jusqu’à son lacanien Hamlet où il perdit son inspiration et son talent au fur et à mesure de ses nouveaux faits cinématographiques. À l’instar d’un Jean-Jacques Annaud, le réalisateur a aussi souffert d’être trop populaire pour les intellectuels et cérébral pour le cinéma commercial.

Son Henry 5, ou le thriller Dead again méritent vraiment d’être vus aujourd’hui pour apprécier la qualité de sa direction d’acteurs et sa manière très énergique de filmer les dialogues en leur donnant de la vie grâce à sa caméra virevoltante. Mais revenons aux Amis de Peter, réalisation douce-amère qu’il signait à l’aube des années 90.

Je vous entends déjà me rétorquer que les retrouvailles d‘anciens amis, est un sujet éculé du cinéma. Je vous répondrai que le western a donné de nombreux chefs-d’œuvre malgré des histoires vues et revues. Si Peter’s friends est un grand film, c’est qu’il reste le mètre étalon de la catégorie.

Possédant pas mal de films au compteur, j’ai vu les références les plus citées du genre que ce soit Les copains d’abord de Lawrence Kasdan ou Mes meilleurs copains de Jean-Marie Poiré sans oublier Les petits mouchoirs de Guillaume Canet. Pour autant ma préférence va toujours aux Amis de Peter dont l’interprétation made in England me semble un cran au-dessus des autres films cités. Que ce soit Stephen Fry, l’acteur anglais fétiche de Neil Jordan en dandy de la haute société, la toujours juste Emma Thomson en fille coincée, Hugues Laurie ou Kenneth Branagh, ils sont simplement tous excellents. Il faut dire que l’Angleterre a toujours donné au cinéma de grands acteurs que ce soit Laurent Olivier, Oliver Reed, ou bien encore Colin Firth.

Mais surtout Peter’s friends, à la différence Des petits mouchoirs, est un film ouvert sur le monde qui ne se limite pas aux névroses des vacanciers venus envahir le Cap Ferret. Le réalisateur anglais traite ici des évolutions morales, politiques et économiques de son pays. Film sur le thatchérisme, Peter’s friend est aussi une œuvre qui nous parle du Sida. Tout en finesse, jamais démonstratif, le long-métrage milite pour que la parole se libère dans une Angleterre emprisonnée dans ses tabous qui faisait mine d’ignorer le fléau du SIDA, peu ou pas étonnant pour un pays ou l’homosexualité était un crime jusque dans les années 60.

Accompagné par le magnifique You are my best friend signé Queen, Peter’s friends est un film à redécouvrir d‘urgence.

Mad Will

Le film est distribué par Hbo Studios en DVD.

Les Nuits Fauves

Le résumé :

1986. Jean a 30 ans, il est chef opérateur, reconnu, doué, curieux de tout. Mais il est séropositif et sait qu'il sera un jour exclu de cette vie qu'il traque avec avidité à travers sa caméra. Au cours d'un casting pour une publicité, il rencontre Laura, jeune, belle, vivante. Une passion naît entre eux. Mais Jean est bisexuel et entretient d'autres liaisons, dont la découverte bouleverse la jeune femme. Laura découvrira que Jean est infecté par le virus du SIDA et que ses jours, à elle aussi, sont peut-être comptés...

La critique :

Les Nuits Fauves est le film d’une génération marquée par l’émergence du VIH. Ce récit autobiographique réalisé par Cyril Collard est adapté de son roman éponyme. Il sort en 1992, au début de cette décennie qui sera celle des « années SIDA » et reste aujourd’hui encore un film clé sur cette période.

Jean (Cyril Collard), 30 ans, est bisexuel et séropositif. Il travaille comme chef opérateur et fait la connaissance de Laura (Romane Bohringer), 19 ans, au cours d’un casting. C’est le début d’une histoire d’amour mouvementée par la passion possessive de Laura et l’envie de vivre de Jean, malade du SIDA mais justement animé d’une pulsion de vie très forte qui le pousse à profiter au maximum de chaque instant. Alors qu’il continue toujours de fréquenter Samy (Carlos Lopez), un paumé qu’il a rencontré, et d’avoir des rapports avec d’autres hommes, sa relation avec Laura menace d’exploser.

Cyril Collard, ancien assistant de Pialat, livre un long métrage puissant véritable miroir d’une époque. En témoigne le grand succès public du film dont l’aspect réaliste a fait écho auprès des spectateurs et a permis d’amorcer des débats sur le VIH. Le récit, tout en explorant le triangle amoureux interprété par un casting bouleversant (Romane Bohringer, 19 ans à l’époque et Carlos Lopez entre autres), nous entraine également au cœur d’autres aspects de la personnalité de son personnage principal qui mettent en lumière certains comportements de l’époque : les skinheads, les lieux de rencontres homosexuels, le polyamour etc.

La réalisation fluide et très inspirée est quelque part empreinte du cinéma de Pialat. Souvent filmé caméra à l’épaule, le cadre ouvert et le montage capturent des morceaux de la vie de Jean et de sa course effrénée qui ne ressemble pourtant jamais à une fuite. C’est d’ailleurs dans ce contraste que la dimension de la maladie prend tout son sens, car la mort qu’elle porte n’est jamais montrée mais uniquement évoquée. Cette tension permanente qui accroche le spectateur participe à nous faire ressentir cette volonté de vivre exacerbée, même lorsqu’elle se manifeste par des comportements à risque dégueulasses, égoïstes, mais finalement beaucoup trop humains.

Cyril Collard décédera du SIDA à 35 ans, quelques jours avant la cérémonie des Césars au cours de laquelle le film repartira avec 4 trophées (meilleur film, meilleur espoir féminin pour Bohringer, meilleur montage et meilleur première œuvre) qui viendront récompenser cette œuvre devenue culte autour de la quête éperdue de sentiments de Jean d’ailleurs résumée dans une de ses répliques : quand on s’arrête de chercher on meurt.

M. Wade

Le film est distribué par Les films de ma vie en DVD.